Comme nombre d'entre vous mes ami(e)s j'ai traversé, et traverse encore partiellement, les affres de décider ce qui deviendra mon engagement partisan au cours des temps qui viennent. Depuis trois mois que j'anticipais la candidature de François Hollande, heure par heure, jour après nuit, je m'étais fait à l'idée, et à la fierté, de soutenir par avance un si grand homme afin qu'il reste président par le renouvellement de son mandat. Comme vous j'ai assisté à ces quelques minutes d'allocution à l'issue desquelles, n'étant pas suffisamment fin connaisseur de sa personne, je ne m'attendais plus qu'à cette phrase que j'espérais tant qu'il prononce, et je fus déçu. Je ne dois qu'à la présence d'un bon copain, lui aussi socialiste, à l'arrivée de mon fils au bon moment et au sympathique appel qu'on fit pour me changer les idées, de ne pas avoir sombré dans la tristesse que notre président montrait lui-même, alors qu'il s'exprimait. Là encore n'étant pas un habile militant, c'est d'abord son renoncement qui m'est apparu. C'est peu à peu qu'un autre sentiment a pris forme et j'ai presque honte qu'il fallut dans mon cas les médias, une fois n'est pas coutume, pour m'aider à distinguer dans son attitude et ses paroles quelque chose d'exceptionnel et d'une immense sollennité. Ou plutôt, j'étais désapointé de ne pas être parvenu seul à mettre des mots sur ce qu'obscurément je percevais de son très court discours.
Pourtant jamais je ne l'avais entendu parler avec un tel aplomb. C'est là le paradoxe des personnes qui plongent, temporairement ou non, dans les tourments d'une dépression. Oui notre bien aimé dirigeant paraissait ce jour-là, outre son émotion, l'ombre de lui-même, sa bonne humeur était absente mais c'est d'une voie formidablement claire que sa parole au timbre sûr a raisonné, montrant ainsi au peuple de France que sa lucidité restait intacte en toutes circonstances et qu'il avait admis devoir se retirer de la compétition, cédant ainsi sa place à celles et ceux qui la voulaient depuis longtemps.
Vient maintenant la nécessité de trier sur le volet cette panoplie de postulant(e)s aux fins de faire un choix des plus judicieux ; les choses étant scellées, il faut bien s'y résoudre. Je me garderai d'être exhaustif, me limiterai à vous dire tout de go celui pour qui ira ma préférence, et vous donnant cet indice qu'il n'est pas encore en mesure de se présenter vous aurez immédiatement compris de qui il s'agit. Sachez que l'expression favorite, que non seulement j'emploie mais expérimente aussi à de nombreuses reprises, c'est "l'occasion fait le larron". J'entends par là qu'il est parfois extrêmement difficile de se prononcer pour telle alternative d'une décision. Dans mon cas c'est souvent parce que, pourrait-on dire, je complique la combinaison des éléments qui constituent mon existence. J'appelle cela de l'intégrité et j'ose le dire, une profonde honnêteté envers les convictions les plus enfouies dans mon for intérieur. Ceux que j'ai cités et qui étaient présents avec moi pourraient témoigner qu'une de mes premières réactions fut de dire en substance et à voix haute : "Mais que vais-je devenir ? Quelle qualité révêtent désormais ces écrits ? A quoi servira ma page sur facebook ? Comment parviendrais-je à la conserver tout en basculant mon engagement vers une autre personne que celui pour qui je l'avais entamée ?".
Je ne parlerai pas de difficultés majeures en l'occurence, car j'écris depuis longtemps et expérimente la nature de créer tout en restant soi-même. Alors, pour qu'une fois encore l'expression que je citais plus haut me vienne en aide, et ce à bon escient, celui que je soutiendrais devait me permettre de le faire sans changer grand chose au contenu de ce que j'avais élaboré jusqu'à présent. La page garderait le nom de "Chronique d'une victoire anticipée". Son adresse internet resterait "www.facebook.com/victoirehollande2017", ce climat de victoire hollandaise devant perdurer. C'est donc encore une fois grâce à cette mécanique de précision mentale que je dois d'être parvenu à sortir d'un profond cas de conscience, et partant d'entrapercevoir une seule personne pour qui ce projet conviendrait. Et l'on comprendra pourquoi mon choix se porte sur Manuel Valls lorsque je vous aurai dit ceci qu'il est le seul que j'imagine inviter chaleureusement son mentor à le rejoindre sur une estrade, pour lui permettre de participer à son jubilé s'il triomphait.
Représentez-le vous mêmes, visualisez cette scéne de liesse absolue des militant(e)s se levant tout(e)s comme un seul Homme pour acclamer leurs deux héros, vous saurez alors pour qui vous devriez aller voter. Dès lors François Hollande resterait victorieux, et en ce qui me concerne se serait comme si ce qui s'est produit il y a quelques heures, d'apparence douloureuse, devenait une étape magistrale que nous avons franchie tous ensemble, à l'horizon de gauches réconciliées, tous les candidats et candidates rompus d'avoir, ne serait-ce que quelques moments successifs ou pour une brève durée, goûté à l'exercice du pouvoir.
Valentin Jaunet
"Chronique d'une victoire anticipée"